Conversation entendue au café Starbucks, place de La Bastille à Paris, le 31 janvier 2016, à 23h37. Deux hommes, Lyrique et Sceptique discutent de la lucidité. Il semblerait que Lyrique soit un coach de dirigeants, apparemment prospère, costume prince de Galles, cravate slim, chaussures Grenson, montre Rolex.  A ses côtés, Sceptique, philosophe soixante-huitard usé, pantalon de velours, blouson gris démodé, chaussures Méphisto.

  • Lyrique : Ah ! Je suis content de te voir. Je veux te raconter une expérience extraordinaire. J’ai fait le dernier week-end, un séminaire sur la Lucidité avec Mario Super-Coach. Cela m’a complètement transformé.
  • Sceptique : Ouais, ouais, encore un concept branché. T’as payé cher pour cela ?
  • L : oh, 1.500 € pour 2 jours. Mais on en a eu pour notre argent. Mario qui travaille avec les plus grands dirigeants du CAC 40 (expression admirative de Lyrique), nous a démontré que la lucidité est l’apanage de ceux qui osent la voie de l’authenticité /spontanéité.

  • S : (avec un regard narquois) avec une grille de lecture en 5 points et un protocole d’action en 7 points, j’imagine ?
  • L : Non, une grille de lecture en 4 points pour savoir si l’on est authentique et efficace, et un protocole d’entraînement pour être dans le vrai et en méta-position, pouvoir prendre de la distance avec son jeu, sa posture.
  • S : Moi qui croyais qu’on est authentique ou pas. Apprendre à être authentique, n’est-ce pas une supercherie de plus ?
  • L : C’est la meilleure méthode pour travailler ensemble : sortir de la zone de confort. Le monde a besoin de managers éclairés. Il y a tellement de challenges et d’incertitudes dans le monde d’aujourd’hui que développer notre lucidité est un must.
  • S : Dis-moi, ce sont tes mots à toi ou ceux de Mario Super-coach ?
  • L : Mario a dit des paroles percutantes qui ont résonné profondément en moi et je me les répète.
  • S : sourire narquois…
  • L : Le manager est créateur de valeur.
  • S : N’est-ce pas là une posture narcissique ? Il n’est pas plus créateur de valeur que ma boulangère !
  • L : Les managers s’appuient sur une vision à long terme qui les porte au-delà des rigidités des systèmes. Etre lucide et vrai, c’est cela qui paye.
  • S : nous y sommes ! Payer, rentabiliser. Tout cela, c’est de la com. La FNAC, les banques, la Poste font des magnifiques com. Et dans le réel, il y a un déphasage entre la réalité des services proposés et la com branchée. Avec la FNAC, j’ai mis 40 jours pour me faire rembourser un colis non livré !!! Le service de livraison de la poste s’est détérioré. A l’inverse, le succès d’Apple et d’Amazon tient à la qualité des services au client. Pas besoin d’être extra-lucide pour comprendre cela. Comme disait ma grand-mère, il faut avoir les yeux en face des trous, voir ce qu’il y a à voir et changer ce qu’il y a à changer.
  • L : Tu es désespérant de scepticisme !
  • S : Non, prosaïque, au ras des pâquerettes. C’est comme cela que les Chinois sont devenus (presque) la première puissance économique.
  • L : Et t’en fais quoi, des valeurs éthiques du manager, du souci écologique pour la planète ?
  • S : Parlons-en des valeurs éthiques de Tapie ou des patrons du CAC40 !
  • L : Je suis fâché avec toi, tu n’es qu’un rabat-joie !
  • S : Et toi, depuis 30 ans que je te connais, j’en ai entendu, des théories managériales. Elles se sont toutes évanouies à l’épreuve de la réalité.

A ce moment-là, un troisième personnage qui était assis non loin d’eux, est intervenu.

  • Y : Je m’excuse, j’ai entendu sans le vouloir votre conversation. Je suis Yoda, un réalisateur de cinéma. Je suis venu de Tokyo présenter mon film La Paix des Etoiles. Me permettez-vous de donner mon humble avis ?

L et S acquiescèrent.

  • Y : Voilà, je veux vous poser la question à tous les deux : qu’est-ce qui est essentiel pour vous deux, à l’instant présent, ici et maintenant ?

L et S, interloqués, dirent : on était en train de discuter.

  • Y : vous cherchiez à avoir raison sur l’autre. Est-ce que c’est cela qui est essentiel pour vous ?

L et S : Non, bien sûr.

  • Y : alors, qu’est ce qui est vraiment essentiel pour vous deux ?

L et S se regardèrent dans les yeux, émus et dirent ensemble : C’est notre amitié.

  • Y, souriant : c’est exactement cela, vous avez discerné l’essentiel en le distinguant du contingent. Vous avez fait preuve de lucidité. Félicitations. C’est l’amitié qui vous unit depuis 30 ans qui est essentiel pour vous.

L et S : donc, c’est cela, la lucidité ?

  • Y, toujours souriant : la lucidité est une lumière que chaque être porte en lui. Elle respendit quand vous discernez l’essentiel. A distinguer de l’accessoire, du contingent, ou du pathologique. L’accessoire, c’est les circonstances, par exemple l’environnement de ce café. En fait, vous auriez pu vous rencontrer ailleurs.
    Le contingent, c’est le changement de temps et d’espace. Vous avez changé en 30 ans, et votre amitié demeure.
    Pour le pathologique, c’est une question dont nous pourrions débattre des heures. Pour une personne boulimique, qu’est-ce qui est essentiel ? La compulsion qui la pousse vers le frigo ? Ou la lueur dans le regard d’un autre être qui l’apprécie pour ce qu’elle est ?
    Pour un cadre stressé, harcelé au travail, qu’est-ce qui est essentiel ? Une reconnaissance extérieure jamais atteinte ? Ou une reconnaissance par soi-même de ses réalisations et de ses limites ?

L et S : la lucidité dépendrait alors de soi, c’est subjectif ?

  • Y, encore souriant : dans le monde, tout est en interrelation. Quand cette réalité est reconnue et vécue, la lucidité est partagée. Ainsi, les grands élans de solidarité collectifs au moment des catastrophes.
    Entre deux personnes, la lucidité est partagée quand l’un reconnaît ce qui est essentiel pour l’autre.
    Par exemple, quand vous discutiez ensemble, qu’est-ce qui était essentiel pour l’autre ?
  • S : il me semble que L voulait me partager son enthousiasme.
  • L : je crois que S voulait m’aider à penser par moi-même et non au travers de modèles.
  • Y, souriant, toujours et encore : c’est cela, quand vous reconnaissez ce qui est essentiel pour l’autre, la lucidité est partagée. A partir de là, il y a échange, donc la possibilité d’un discours substantiel. On sort de la com’, on est dans la relation : j’existe pour l’autre, l’autre me voit, et je le vois. Nos hommes politiques ont tendance à substituer le discours d’une com’ branchée à la relation entre les êtres et à l’action véritable fondée sur le sens du bien public.
  • L : Je te remercie, S, de m’avoir tempéré. J’ai tendance à prendre au mot les pensées des autres.
  • S : Je te remercie de ta patience. Je suis vivifié par ton enthousiasme.
  • Y : je vois que vous avez compris. La lucidité, c’est-à-dire, la lumière de notre être est toujours là, potentiellement. Il n’y a aucun besoin de la développer. Quand vous êtes assis, vos jambes ne bougent pas. Puis quand vous vous levez, vos jambes vous portent sans effort, naturellement. A chaque fois que vous reconnaissez l’essentiel, la lucidité est activée et mobilise toute votre présence vitale. J’ai parlé à une rescapée du Bataclan. A un moment donné, elle a vu une porte s’ouvrir, elle a couru sans réfléchir. L’essentiel était de sauver sa vie. Cette lucidité a mobilisé tout son être.
  • Y, souriant : Mes amis, je vais vous laisser. Je dois aller présenter mon film. Je vous laisse deux tickets d’entrée ?
  • L et S, souriants eux aussi : oh, oui, merci.
  • Y, souriant : pour le mot de la fin, sans paraphraser ou citer quiconque (clin d’yeux) :

L’essentiel est dans le cœur des hommes.